Mendel et la naissance de la génétique
MENDEL ET LA NAISSANCE DE LA GÉNÉTIQUE
Le moine tchèque Johann Gregor MENDEL (1822-1884) est reconnu comme le fondateur de la génétique (science de l'hérédité): il publie ses travaux en 1866, mais ceux-ci passent inaperçus jusqu'en 1900.
Nous montrerons comment une méthode expérimentale rigoureuse et l'exploitation mathématique des résultats ont bouleversé la conception de l'hérédité.
Thèmes traités et activités pédagogiques (durée: 2 semaines):
Le contexte scientifique de l'époque
Une méthode scientifique rigoureuse
1 Le contexte scientifique de l'époque
Après être entré au monastère Saint-Thomas de Brno où l'on teste les méthodes d'amélioration des espèces cultivables, MENDEL, devenu frère Gregor, parfait sa formation à l'Université de Vienne dans de nombreux domaines: mathématiques, sciences physiques, botanique, physiologie végétale, entomologie, paléontologie.
Il prend connaissance des débats scientifiques de l'époque qui divisent les universitaires sur l'hérédité et les mécanismes de la fécondation. De retour à Brno il établit les plans de ses expérimentations qu'il mènera sur le pois (Pisum sativum).
1.1 LES QUESTIONS SCIENTIFIQUES EN SUSPENS...
1.1.1 ... sur la fécondation
On a observé depuis 1855 la participation d'une cellule mâle et d'une cellule femelle à la fécondation chez une algue, mais on ne sait pas comment se passe la reproduction chez les plantes à fleurs.
1.1.2 ... sur l'hérédité
On pense que les cellules reproductrices sont formées de minuscules granules issus de toutes les parties du corps et qu'elles contiennent les structures préformées des différents organes, transmises à la descendance (hérédité directe).
On admet aussi que le père et la mère contribuent à parts égales à la formation du nouvel individu qui possède ainsi les caractères intermédiaires entre ceux de ses parents (hérédité par mélange), comme ceux que l'on pouvait observer chez les métis.
1.2 L'HYBRIDATION EST UNE TECHNIQUE DEJA CONNUE
Vous réaliserez une dissection florale et vous observerez un fruit et une graine. Les résultats de vos observations seront consignés sous forme de dessins d'observation annotés, au crayon.
Après la formation des boutons floraux, on coupe les étamines d'une fleur B afin d'empêcher la production du pollen et donc l'autofécondation sur cette fleur. Pour éviter tout apport de pollen extérieur, on emprisonne la fleur B dans un petit sac de gaze fine. Quelques jours après, on dépose, avec un pinceau, le pollen des étamines de la fleur A sur le stigmate du pistil de la fleur B (schéma ci-contre).
La fécondation, conséquence de la pollinisation croisée, produit des graines qui germent en donnant de nouveaux plants: ce sont des hybrides de première génération.
Un hybride est, en génétique formelle, un individu issu du croisement de deux parents ne présentant pas les mêmes versions pour un caractère. Nous reviendrons sur cette définition qui méritera d'être précisée.
2 Une méthode scientifique rigoureuse
De nombreux botanistes et horticulteurs avant Mendel avaient cherché à comprendre les mécanismes de transmission des caractères et à sélectionner des hybrides stables, mais faute d'une approche méthodique, ils n'étaient pas parvenus à dégager des conclusions.
2.1 SELECTION DE VARIETES STABLES
Le choix du matériel est un préalable qui conditionne la réussite des expériences. Mendel écrit: |
Mendel choisit de ce fait le pois (Pisum sativum) pour les raisons suivantes: |
"Les plantes doivent posséder des caractères différentiels constants" : c'est-à-dire des caractéristiques bien définies et contrastées, dont la transmission de génération en génération peut être facilement repérée et suivie. |
Diversité de forme, de taille, de couleur des différents organes |
"Il faut que, pendant la floraison, leurs hybrides soient naturellement, ou puissent être, mis à l'abri de toute intervention d'un pollen étranger". |
Structure de la fleur évitant la pénétration de pollens étrangers (corolle formée d'un étendard, de 2 ailes, de 2 carènes enfermant les organes reproducteurs) |
"Les hybrides et leurs descendants ne doivent éprouver aucune altération notable de fertilité dans la suite des générations". |
Grande fécondité des hybrides permettant de suivre la transmission des caractères sur plusieurs générations |
Mendel sélectionne ainsi 7 variétés à "caractères différentiels" constants:
Forme de la graine |
lisse |
ridée |
Couleur de la graine |
jaune |
verte |
Couleur de la fleur |
violette |
blanche |
Couleur de la gousse avant maturation |
verte |
jaune |
Forme de la gousse après maturation |
plate |
bosselée |
Position des fleurs sur la tige |
axillaire |
terminale |
Hauteur du pied |
géante (200 cm) |
naine (30 cm) |
2.2 UN PROTOCOLE EXPERIMENTAL ASSOCIE A UNE EXPLOITATION STATISTIQUE
Mendel réalise, entre 1858 et 1863, de très nombreuses hybridations entre pois ayant deux "traits" différents pour un même caractère parmi les 7 répertoriés: c'est ainsi que sur 28 000 plants, il en examine 13 000 et environ 300 000 graines.
Définissez ce que l'on entend par "caractère différentiel constant" et par "lignée pure" chez les parents. Pourquoi peut-on parler d'hybrides chez les plants de première génération (cette appellation est à priori plus évidente pour les plants de deuxième génération)?
Quel intérêt voyez-vous à analyser un très grand nombre de plants?
3 Le monohybridisme
3.1 DES RESULTATS
Mendel va commencer à réaliser des hybridations entre parents de lignées pures différant par un seul caractère (monohybridisme).
Voici ci-dessous les résultats des 7expériences de monohybridisme réalisées par Mendel:
Caractères différentiels des parents |
Caractères observés en F1 |
Caractères observés en F2 |
Forme des graines: lisse ou ridée |
Graines lisses |
5 474 graines lisses 1 850 graines ridées |
Couleur des cotylédons: jaune ou verte |
Cotylédons jaunes |
6 022 graines jaunes 2 001 graines vertes |
Couleur de la fleur: violette ou blanche |
Fleurs violettes |
705 fleurs violettes 224 fleurs blanches |
Couleur des gousses avant maturation: verte ou jaune |
Gousses vertes |
428 gousses vertes 152 gousses jaunes |
Forme des gousses: plate ou bosselée |
Gousses plates |
882 gousses plates 229 gousses bosselées |
Position des fleurs: axillaire ou terminale |
Fleurs axillaires |
651 fleurs axillaires 207 fleurs terminales |
Hauteur du pied |
Tiges longues |
787 plants à tige longue 277 plants à tige courte |
Formulez une phrase qui reflète la caractéristique des individus de première génération.
Exprimez les résultats de la deuxième génération sous forme de proportions. Montrez que ces résultats permettent de réfuter la théorie de l'hérédité par mélange.
3.2 LE CONCEPT D'HEREDITE PARTICULAIRE
3.3.1 Dominance et récessivité: Mendel qualifie le trait parental qui apparaît chez l'hybride de F1 de dominant; le second qui réapparaît seulement en F2 est dit récessif.
3.3.2 Existence de "particules": Il en conclut que l'hybride de F1 réunit les deux traits: ceux-ci sont transmis aux descendants de manière séparée. Il conçoit que chaque trait est représenté par un "support" concrètement transmis à la descendance, qu'il appelle "facteur": c'est le concept d'hérédité particulaire.
3.3.3 Hypothèse de la disjonction des "facteurs" transmis: Mendel désigne par A le "facteur" représentant le trait dominant (on utilise une majuscule) et par a le "facteur" représentant le trait récessif (on utilise une minuscule).
Il émet l'hypothèse d'une séparation des "facteurs" au moment de la formation des gamètes, chacun ne contenant que l'un ou l'autre des "facteurs". Il pense également que les deux catégories de gamètes sont produites en égale quantité par l'hybride et que leur combinaison est aléatoire au moment de la fécondation.
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A |
a | ||
A |
A |
Aa | ||
a |
Aa |
a |
Formulation des descendants des hybrides de F1: A + 2 Aa + a |
Associez au modèle de Mendel les catégories de graines obtenues expérimentalement: pour cela reproduisez le tableau en schématisant dans chaque case le type de graine. Repérez dans les autres croisements les traits dominants et les traits récessifs.
3.3.4 Vérifications:
Mendel va ensuite soumettre son modèle à l'épreuve de l'expérimentation: d'après ce modèle il n'y aurait qu'une seule catégorie de plants F2 porteurs du "facteur" récessif et deux catégories de plants F2 porteurs du "facteur" dominant.
Il laisse s'autoféconder les fleurs des plants de F2 et obtient les résultats suivants:
Plants issus des graines |
Plants issus des graines | ||
100% des graines produites sont |
Sur 519 plants:
|
Le modèle est-il validé par les proportions calculées au §3.1?
Mendel formule un premier principe, qui sera exprimé par la suite en tant que première loi de Mendel: il y a ségrégation indépendante des versions alternatives d'un caractère lors de la formation des gamètes.
4 Le dihybridisme
La première loi de Mendel est-elle valable si l'on considère la transmission simultanée de deux ou plusieurs caractères différentiels?
4.1 UNE EXPERIENCE DE DIHYBRIDISME
Mendel sélectionne deux variétés de pois différant par deux caractères (figure ci-contre):
- caractère "couleur des graines": jaune désigné par J ou verte désigné par v (nous avons vu que J est dominant, r récessif),
- caractère "forme des graines": lisse désigné par L ou ridé désigné par r (nous avons vu que L est dominant, r récessif).
Expliquez la couleur et la forme des graines de F1. Montrez que les résultats de F2 correspondent à deux cas séparés de monohybridisme.
4.2 L'INTERPRETATION DE MENDEL
Mendel, après avoir vérifié que les résultats obtenus se reproduisent à la troisième génération, émet l'hypothèse que les ovules et les grains de pollen produits par l'hybride de F1 possèdent diverses combinaisons des "facteurs" A, a, B et b en quantités égales.
Réalisation de croisements-tests:
Mendel vérifie son hypothèse en réalisant les fécondations croisées suivantes:
Hybride de F1 x pollen de lignée pure ab |
Plante de lignée pure ab x pollen d'hybride de F1 |
31 |
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24 |
27 |
26 |
27 |
25 |
22 |
Quelles sont, vues sous l'angle mathématique, les différentes combinaisons en éléments A, a, B, b dans les gamètes de F1? Proposez une formulation des différents types de descendants comme dans le §3.3.3.
Mendel conclut ainsi: "les descendants des hybrides, chez lesquels sont réunis plusieurs carctères essentiellement différents, représentent les différents termes d'une série de combinaisons dans lesquelles sont groupées les séries de formes de chaque couple de caractères différents. Il est en même temps prouvé par là que la façon dont se comporte chaque couple de caractères différentiels, est indépendante des autres différences que présentent les deux plantes souches."
Il formule ainsi un deuxième principe, qui sera exprimé par la suite en tant que deuxième loi de Mendel ou loi d'indépendance des caractères: les versions alternatives d'un caractère donné se transmettent indépendamment des versions alternatives d'un autre caractère.
Construisez un échiquier de croisement pour expliquer les résultats obtenus en F2 et confrontez les résultats théoriques aux résultats expérimentaux.
Les travaux de Mendel conduisent à une nouvelle conception de l'hérédité
L'absence d'hybrides avec des caractères intermédiaires entre ceux des parents et la réapparition du caractère récessif en F2 réfutent l'idée d'hérédité par mélange.
Mendel suggère que les caractères sont transmis comme des "unités", des "facteurs", des "éléments" distincts: c'est le concept d'hérédité particulaire.
L'hérédité n'est plus conçue comme directe, à partir de "petits granules" contenant des structures préformées, mais chaque caractère est déterminé par un support matériel que l'on qualifiera plus tard de gène (hérédité indirecte).
Malgré une large diffusion dans le monde scientifique, les travaux de Mendel, publiés en 1866, vont rester ignorés, car ses conceptions restent théoriques et non fondées sur des observations cytologiques.