Simuler les variations de fréquence allélique


 


Mis en ligne le 5/5/2004

SIMULER LES VARIATIONS DE FRÉQUENCES ALLÉLIQUES DANS UNE PETITE POPULATION

François Cordellier, professeur de SVT au lycée Jean Perrin de Rezé
Quentin Martouzet, élève en Terminale S au lycée Jean Perrin de Rezé

Introduction

La notion de fréquence allélique est primordiale lorsque l'on parle d'évolution des espèces. Dans le chapitre sur "stabilité et variabilité des génomes et évolution" en Terminale S, la question des mécanismes de variation des fréquences alléliques est posée. L'action des facteurs de l'environnement est bien illustrée par l'exemple des Phalènes du Bouleau ou celui de la Drépanocytose.

Les variations aléatoires de fréquences alléliques pour des allèles neutres sont par contre assez difficile à illustrer par des exemples documentés. Ce mécanisme est pourtant au coeur des théories qui conduisent à utiliser les distances génétiques pour tracer des arbres phylogénétiques. La notion d'horloge moléculaire est basée sur le fait que les allèles sont régulièrement remplacés au cours du temps. Ce remplacement doit être indépendant des contraintes du milieu pour que l'horloge soit considérée comme fiable.

Nous proposons donc une petite activité de simulation analogique permettant aux élèves de percevoir le côté aléatoire des variations de fréquences alléliques au sein d'une petite population numériquement stable.

Des compléments théoriques qui ne sont pas au programme de Terminale S ont été ajoutés à destination des enseignants.

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Un énoncé simple pour une simulation analogique

40 boules de différentes couleurs représentant les différents allèles d'un gène sont enfermées par paires dans 20 sacs opaques représentant les 20 individus d'une population.

Il y a en tout 10 boules blanches, 10 boules vertes, 10 boules rouges et 10 boules bleues mais la répartition dans les sacs n'est pas connue.

Dites quelles sont les fréquences alléliques dans la population de départ.

Pour simuler l'action de la reproduction sexuée au sein de cette population, mettez de côté au hasard 4 sacs qui représentent les individus qui n'auront pas de descendants à la génération suivante. Formez 8 couples avec les 16 sacs restant.

Pour chacun des couples, effectuez un tirage au sort en prenant une boule dans chaque sac, notez le couple d'allèles possédé par ce premier "enfant" et remettez les boules dans leur sac d'origine.

Faites un deuxième tirage au sort en ne prenant que 6 couples au hasard parmi ceux qui avait déjà formé un "descendant", notez les génotypes des 6 enfants formés et remettez les boules en place.

Faites un troisième tirage au sort pour 4 couples pris au hasard parmis ceux qui avaient eu un second "enfant" puis pour 2 couples pris au hasard parmis ceux qui avaient eu un troisième enfant.

Vous disposez maintenant des génotypes de 20 individus issus de la première génération. Calculez les fréquences alléliques dans cette population. Que constatez-vous ? Confrontez vos résultats à ceux des autres groupes.

Quelle relation pouvez-vous faire entre ce résultat et l'action de la sélection naturelle ?
Question subsidiaire : que se passerait-il si un nouvel allèle (boule jaune) apparaissait dans les cellules germinales d'un des individus ?

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Le matériel utilisé

Des boules de cotillons ont été utilisées (les mêmes que pour les simulations de désintégrations des radio-isotopes). Les sacs sont confectionnés avec des sac-poubelles.

Au départ de la manipulation les 40 boules sont enfermées dans un seul sac.

Les "génotypes" des "individus" sont constitués par tirage au sort.

Chaque sac représente un individu. Les quatre sacs des "individus" qui ne participent pas à la reproduction sont mis de côté au hasard. Les autres sont rassemblés par paires également de façon aléatoire.

Pour constituer un "descendant" on prélève une boule dans chaque sac. Un des élèves, nommé secrétaire, note les résultats et les boules sont immédiatement replacées dans leur sac d'origine.

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Les résultats

Chacun des quatres groupes de manipulation envoie un représentant reporter au tableau les résultats. Une réflexion commune à tous les membres du groupe permet de trouver une explication à la diversité des résultats : c'est la petite taille du groupe qui l'explique.

Une confrontation avec l'étude des probabilités de transmission des allèles permet de faire émerger l'idée que les fréquences alléliques vont varier de façon importante et rapide au sein de populations de taille réduite sans que la sélection naturelle soit en jeu.

L'hypothèse de la disparition probable d'un ou plusieurs allèles est posée

Les élèves désirent généralement poursuivre l'expérience sur les générations suivantes pour le vérifier mais plusieurs obstacles se présentent.

1 Le temps imparti dans les programmes est trop court pour réaliser une manipulation significative.

2 Une simulation sur plusieurs générations demande d'attribuer un sexe à chaque individu et de réaliser des couples en conséquence.

3 Il faudrait inventer des mécanismes de simulation pour éviter les mariages consanguins et parer aux variations importantes de sex-ratio.

Pour lancer une nouvelle étape dans la réflexion on peut évoquer le cas de l'apparition d'un nouvel allèle chez l'un des individus de la première génération. Les élèves doivent formuler des hypothèses.

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Une simulation numérique

Relevant le défi de la simulation numérique, Quentin Martouzet, élève de Terminale S au lycée Jean Perrin de Rezé a écrit un logiciel reproduisant la manipulation effectuée en classe. Il est téléchargeable en cliquant sur le lien ci-contre.

Après installation, le programme est disponible dans "Program Files".

Télécharger le logiciel fréquences alléliques

Au démarrage, aucun tirage au sort n'est effectué. En cliquant sur "simulation" on provoque la distribution des allèles à la génération des parents et la simulation de répartition des allèles chez les enfants. La procédure est strictement conforme à celle décrite dans la simulation analogique.

Dans la colonne "Parents" les deux teintes correspondent à la constitution des couples.

Dans la colonne "Génération fille" elles correspondent au rang des enfants dans les familles.

En cliquant plusieurs fois sur le bouton "Simulation" on obtient toujours des résultats différents.

Un bouton "Génération suivante" a été ajouté. Il fonctionne en reportant dans la colonne de gauche le contenu de la colonne de droite et en refaisant la simulation de descendance cette fois-ci en refaisant des couples au hasard parmi les individu de la génération n°1.

Elle ne respecte pas les règles de constitution des couples puisque les individus ne sont pas sexués .

 

 

Tel qu'il est actuellement, ce logiciel permet de mettre en évidence que la disparition de tous les allèles sauf un est assez rapide. Lors d'une simulation nous avons constaté que la première disparition a lieu à la trente et unième génération, que la seconde disparition a lieu à la quarante sixième et qu'au bout de 100 générations un seul allèle est présent. Ces résultats sont très variables d'une simulation à une autre.

Il est possible de reporter ces résultats sur un graphique pour schématiser le phénomène appelé dérive génétique.

 

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Développements théoriques à destination de l'enseignant

Le diagramme ci-contre représente le résultat d'une simulation sur 220 générations menée sur une population de 21 individus montrant quatre allèles différents. Le temps de coalescence (il ne reste plus qu'un seul allèle) est ici de 200 générations. Cette simulation, plus évoluée que celle qui est développée plus haut montre les mêmes résultats. En l'absence d'apport génétique externe ou de néomutations, les petites populations tendent vers l'homogénéisation génétique. (d'après André Langaney : Les Hommes passé, présent, conditionnel)

 

L'utilisation de la loi des grands nombres que les élèves connaissent en Terminale S conduit à affirmer que les fréquences alléliques doivent rester stables au cours du temps si tous les croisements sont équiprobables et si l'effectif de la population est infini ou supposé tel. De telles conditions ne sont jamais réalisées pour les populations d'êtres vivants et la coalescence devient inéluctable. Dans ce modèle, les néomutations ne sont pas prises en compte et le modèle suivant permet de répondre à cette objection légitime.

Dans cette simulation, des néomutations ont étés introduites. On voit que la plupart des allèles disparaissent rapidement mais que certains arrivent à effectuer un remplacement. Le temps de coalescence en nombre de générations est estimé à quatre fois l'effectif efficace (Ne). Le temps de remplacement d'un allèle par un autre sera égal à l'inverse du taux de mutation 1/V. Chaque nouvelle mutation neutre a la même probabilité d'arriver à la coalescence que les autres. Bien que cette probalité soit faible, la multiplication des mutations raccourci le temps de remplacement.

d'après Ridley, "écologie" d'après Kimura 1980 dans pour la science N°27

 


Modifié le: Thursday 6 September 2018, 09:36