Failles et séismes 1

FAILLES ACTIVES ET SEISMES : (1) OBSERVATIONS DE TERRAIN

Bertrand Meyer,PhD, Labo. de Sismo-Tectonique, et Geneviève Brandeis PhD - Labo. de Dynamique des Systèmes Géologiques

 

Les séismes sont des catastrophes naturelles aussi meurtrières qu'imprévisibles. En attendant de pouvoir prévoir un jour de manière fiable les séismes, il faut absolument prévenir leurs effets. La construction de bâtiments capables de résister aux secousses, suivant des normes parasismiques, est la seule manière de protéger de façon efficace les populations vivant dans les zones dangereuses. évaluer le risque sismique, c'est donc avant tout reconnaître, étudier et évaluer le potentiel sismique des structures qui produisent les séismes : les failles actives.

Les types de failles
Il existe trois grands types de faille que le géologue est susceptible de rencontrer sur le terrain. Ce sont les failles normales, inverses et
décrochantes. Les deux premiers types sont des plans inclinés sur lesquels le glissement est à l'origine de la formation de reliefs. Le troisième type de faille correspond à un plan vertical sur lequel se produit un glissement horizontal.

 

Failles normales :

La composante horizontale du glissement correspond à un écartement (E, figure 1a) qui s'accompagne de l'affaissement d'un des blocs par rapport à l'autre.

Ces failles se rencontrent dans les régions étirées et amincies comme les dorsales médio-océaniques et les rifts continentaux.


Sur le terrain, l'escarpement de faille (Figure 1b) photographié ici 60 ans après le séisme de Fuyun (Mongolie, M=8, 11 août 1931) est un bel exemple du jeu d'une faille normale. Cet escarpement déchire la steppe et correspond à un affaissement de plusieurs mètres du bloc aval par rapport au bloc amont.




Figure 1b : Séisme de Fuyun, Chine-Mongolie, M=8, 11 août 1931. Cliché P. Tapponnier, IPGP.

 

 

Failles inverses :

La composante horizontale du glissement correspond cette fois à un rapprochement (R, figure 2a) qui s'accompagne du chevauchement d'un des blocs sur l'autre.

Ces failles se rencontrent dans les régions raccourcies et épaissies comme au front des chaînes de montagne.

Un exemple classique de ce type de faille correspond à l'escarpement formé lors du séisme d'El Asnam (Algérie, M=7.3, 10/10/1980) (Figure 2b).







Figure 2b : Séisme d'El Asnam, Algérie, M=7.3, 10/10/1980.
Cliché R.
Armijo, IPGP.

 

 

Failles décrochantes :

Le troisième type de faille correspond à un plan vertical sur lequel se produit un glissement horizontal. Ces failles que l'on appelle décrochements ne créent généralement pas de reliefs car les déplacements se font parallèlement à la surface de la terre. Pour un observateur arbitrairement placé sur l'un des blocs, on parle de décrochement dextre lorsque l'autre bloc auquel il fait face, se déplace vers sa droite (figure 3a), et de décrochement sénestre lorsqu'il se déplace vers sa gauche.

L'escarpement formé lors du séisme de Landers (Californie, M=7.2, 28/6/92) correspond au jeu d'une faille décrochante dextre (figure 3b). Le décalage de la route asphaltée est d'environ 2 mètres.
L'escarpement du séisme de Luzon (Philippines, M=7.7, 16/7/90) correspond au jeu d'une faille
décrochante sénestre (figure 3c). Les bords de rizières sont systématiquement décalés d'environ 4 mètres le long de trace de la faille. L'absence de décalages plus importants cumulant les déplacements associés aux séismes précédents s'explique ici par le renouvellement rapide du paysage dans cette région inondable et intensément cultivée.

Figure 3b : décrochement dextre, séisme de Landers, Californie. Cliché K. Sieh, CALTECH.
Figure 3c : décrochement sénestre, séisme de Luzon, Philippines. Cliché J.C
Ringenbach.

 

 

Ces trois grands types de faille se rencontrent souvent dans la nature. Parfois, mouvements décrochants et verticaux se combinent et les failles sont mixtes. On parle par exemple de faille décrochante-normale (combinaison 3a et 1a) ou de faille inverse-décrochante (combinaison 2a et 3a) suivant la prépondérance d'une des composantes du mouvement.

 

 

Les séismes

Un séisme correspond à un glissement soudain sur un plan de faille. Ce glissement relâche l'énergie accumulée sous forme de déformation élastique pendant l'intervalle de temps, ou récurrence, qui sépare un séisme du suivant. Schématiquement, la partie fragile de la croûte terrestre étirée se comporte à la manière d'un élastique dont on tire lentement sur les deux bouts et qui finit par casser brutalement
au delà d'un étirement limite. Dans la croûte terrestre, les forces responsables de cet étirement sont permanentes. Dès qu'un séisme a relâché les contraintes au voisinage de la faille, le système se met de nouveau en charge, préparant le prochain séisme.
On comprend donc qu'une faille qui a produit un séisme en produira d'autres. De plus, conformément aux lois d'échelles reliant magnitude, ampleur de glissement, et dimensions de rupture, on sait que les séismes destructeurs, de magnitude supérieure à 6, ne se produisent que sur de grandes failles.


La répartition mondiale des séismes

On peut donc a priori espérer repérer les failles dangereuses en étudiant la répartition des séismes destructeurs. Les catalogues de sismicité instrumentale donnent une image exhaustive de la sismicité depuis les années 50, depuis que le réseau sismologique mondial, le WWSSN (
Worldwide Standardized Seismograph Network) permet de localiser et de répertorier tout séisme important. La carte générale de répartition de la sismicité a ainsi été établie et définit les grandes provinces sismiques du globe. On reconnaît des zones très sismiques constituées par les frontières de plaques (fosses de subductions soulignées par des tremblements de terre profonds, dorsales et limites de plaques décrochantes soulignées par des tremblements de terre superficiels), des zones assez sismiques comme les cha”nes de montagnes et les rifts intra-continentaux, et des zones intra-plaques peu sismiques.

L'étude morphologique des reliefs tectoniques

Toutefois, la mémoire de la sismicité instrumentale, souvent trop courte, et celle de la sismicité historique, souvent défaillante, ne permettent pas de déterminer toutes les zones à risques. En effet, la récurrence des grands tremblements de terre peut être de l'ordre de quelques centaines à quelques milliers d'années. D'où l'importance d'étudier la morphologie des failles actives pour accéder à la mémoire géologique de la sismicité.

 

 


Les géologues ont appris à déchiffrer le relief et à relier les dénivelés topographiques à des successions de tremblements de terre (figure 4). En effet, la répétition de séismes destructeurs sur une même faille et l'addition des glissements sismiques correspondants construit généralement un escarpement cumulé caractéristique des failles actives.


En voici un exemple sur une faille normale située au Nord du Golfe de Corinthe, en Grèce (
Figure 4a). La trace de cette faille est soulignée par un escarpement qui décale d'environ 3 mètres les pentes érodées d'une colline. A la base de l'escarpement, taillé dans des calcaires massifs, un liseré de couleur ocre correspond au décalage métrique du séisme de 1981 (M=6.2, 04/02/81). Ce liseré est "sorti de terre" pendant le séisme lors de l'effondrement du bloc aval.


Figure 4a: faille normale de Kaparelli. La base de l'escarpement est soulignée par le glissement cosismique métrique de 1981. Cliché R. Armijo, IPGP

 

 

Les failles normales ont souvent une longue histoire sismique et cumulent les glissements de plusieurs centaines de séismes, fabriquant ainsi un relief caractéristique. La répétition des tremblements de terre finit par créer un dénivelé topographique important (figure 4b,c). Le compartiment que la faille fait monter est soumis à l'érosion alors que le compartiment qu'elle fait descendre piège les matériaux enlevés au relief naissant. Le front montagneux créé par la faille normale est incisé par les rivières qui découpent des facettes triangulaires sur sa façade. Les facettes triangulaires peuvent atteindre plusieurs centaines de mètres de hauteur et représentent ainsi le déplacement cumulé pendant plusieurs centaines de milliers d'années.

 

Figure 4 b: Failles normales du Basin and Range (Ouest des Etats-Unis) : cette faille porte la trace du dernier tremblement de terre : liseré blanchâtre réactivant la base de l'escarpement cumulé. Cliché R. Wallace, USGS

Figure 4c : Faille de Lamia (Grèce centrale) Cette faille présente de très grandes facettes triangulaires. La morphologie de cette façade montagneuse signe la présence d'une faille active à fort potentiel sismique. Cliché B. Meyer, IPGP

 

Vers une meilleure prévention de l'aléa sismique

L'identification des failles actives nécessite une analyse morphologique axée sur la recherche de critères attestant de l'activité tectonique. La recherche de cette signature se fait sur le terrain, mais également grâce à l'observation des failles par les satellites. Les images prises à partir des satellites LANDSAT et SPOT sont devenues dans les dernières années l'outil de travail indispensable à toute évaluation du risque sismique. Une bonne connaissance du réseau de failles actives permet ainsi d'identifier les failles et de documenter leur histoire. Elle devrait aider à l'établissement de normes parasismiques efficaces pour protéger les constructions, et par conséquence les populations vivant dans ces zones sismiques.

 


 


Modifié le: Tuesday 12 January 2016, 11:53