Datations-relative-et-absolue
Datations relative et absolue
Pour mesurer la durée d’évènements longs par rapport à l’échelle humaine et anciens par rapport à l’approche historique, les géologues interprètent les enregistrements naturels dans les paysages et dans les roches, ainsi que la présence de fossiles. Les méthodes très diversifiées de la chronologie relative sont en permanence complétées par les outils géochimiques de la chronologie absolue.
1) Des datations d’évènements
· La succession de phénomènes géologiques entraîne des modifications des roches et des paysages parfois observables à l’échelle humaine (tremblement de terre, volcanisme), mais qui échappent souvent à l’observation directe, soit en raison de leur localisation (mise en place de granites en profondeur), soit à cause de leur durée (formation d’une chaîne de montagnes). Néanmoins les ensembles rocheux de la lithosphère conservent le témoignage de ces successions d’évènements, qu’il est alors possible de reconstituer, en considérant que les phénomènes observables aujourd’hui ont pu se réaliser dans le passé selon les mêmes lois physico-chimiques.
· La disposition relative des couches géologiques peut rester conforme à la disposition initiale lors du dépôt sédimentaire : les couches sont dites concordantes. Dans le cas contraire, la discordance des ensembles de terrains implique que plusieurs phénomènes géologiques successifs se soient produits : plissement des couches sous-jacentes, érosion et dépôt des couches sus-jacentes.
· A l’échelle d’une région, les relations géométriques entre les ensembles de terrains permettent de repérer la succession des évènements les uns par rapport aux autres. A l’échelle de la roche et des minéraux il est également possible d’ordonner dans le temps différents phénomènes, tels que les épisodes de plissement qui se succèdent au cours de la formation d’une chaîne de montagne.
2) L’utilisation de principes géométriques simples
· La datation relative repose sur les quatre principes suivants :
Ø Le « principe de superposition » stipule que dans un ensemble de strates non déformées et non remaniées, toute couche sédimentaire (ou coulée de lave) superposée à une autre lui est postérieure. Ce principe n’est plus valable lorsque les couches ont subi des déformations intenses pouvant conduire à une inversion de l’ordre de mise en place.
Ø Le « principe de continuité » permet de considérer, malgré les discontinuités d’affleurement, que deux couches séparées dans l’espace mais limitées par les mêmes couches à la base et au sommet, sont de même âge.
Ø Le « principe de recoupement », d’application très générale, indique que toute formation géologique qui en recoupe une autre lui est postérieure.
Ø Le « principe d’identité paléontologique » stipule que deux couches ayant le même contenu fossilifère sont de même âge. Depuis le début du XIXe siècle, les géologues ont remarqué que les strates contiennent des fossiles caractéristiques différents d’une couche à l’autre. Cette succession verticale des fossiles traduit une succession temporelle des espèces ou des groupes d’espèces. Seuls les fossiles stratigraphiques permettent de déterminer l’âge d’une roche avec précision. Ces fossiles doivent correspondre à des espèces ayant une très grande extension géographique et une très faible extension dans le temps.
La chronologie absolue repose essentiellement sur la présence dans les roches d’isotopes radioactifs, dont la désintégration en fonction du temps constitue un chronomètre naturel. Les principaux géochronomètres sont choisis en fonction des l’ancienneté et de la nature du matériel géologique à dater.
1) Le 14C, un géochronomètre limité au Quaternaire récent
· Le 14C est radioactif et se désintègre en 14N avec un période de 5730 ans. En raison d’un équilibre permanent entre sa synthèse dans la haute atmosphère et sa décroissance radioactive, la quantité de 14C présent dans le CO2 atmosphérique est constante ; le 14CO2 est régulièrement incorporé dans l’eau sous forme dissoute et dans les êtres vivants sous forme de matière organique. Lorsque le 14C ne peut plus être renouvelé dans un système (mort d’un organisme, enfoncement en profondeur d’une eau océanique…), celui-ci sera considéré comme fermé. La quantité de 14C y0 décroît alors selon l’équation où et représentent respectivement la quantité initiale et la quantité actuelle de 14C présent dans l’échantillon, la constante de désintégration radioactive et t l’âge de fermeture du système.
· Les spectromètres de masse les plus modernes ne permettent pas de mesurer le 14C résiduel au-delà de 50 000 ans : ce chronomètre est donc surtout utilisé en archéologie et pour les Quaternaire très récent.
2) Des géochronomètres des temps anciens : 40K-40Ar et 87Rb-87Sr
· Pour tous les géochronomètres, à l’exception du 14C, la quantité d’isotope radioactif père présent initialement à la formation de la roche n’est pas connue et la quantité d’isotopes fils présent actuellement s’écrit .
· Cette équation fondamentale de la chronologie absolue permet de déterminer l’âge de cristallisation des minéraux d’une roche (= fermeture du système) ; elle nécessite néanmoins d’être exploitée de façon distincte :
Ø Dans le cas du couple 40K-40Ar, les géologues utilisent des minéraux riches en potassium (orthose, mica…) et la quantité sera considérée comme négligeable au regard du nombre élevé d’atomes de 40Ar formé par désintégration du 40K. La simple mesure des concentrations actuelles en 40K et 40Ar permet alors de dater la formation de ces minéraux. Par contre, la contamination des échantillons par le 40Ar présent en quantité non négligeable dans l’atmosphère et dans les gaz interstitiels des roches peut conduire à la détermination d’âges erronés ; la correction effectuée par les géochimistes nécessite d’utiliser ce géochronomètre sur des échantillons riches en potassium et pas trop jeunes.
Ø Dans le cas du couple 87Rb-87Sr, les quantités initiales de chaque minéral sont différentes et inconnues. Cette difficulté est contournée en mesurant les rapports isotopiques 87Rb/86Sr et 87Sr/86Sr de plusieurs minéraux d’une même roche, qui permettent alors de déterminer graphiquement l’âge commun de cristallisation de ces minéraux.
A partir de l’ensemble de ces principes de datation relative, une échelle de découpage du temps a été réalisée. L’unité de base de cette échelle de référence est l’étage, caractérisé par un ensemble de fossiles stratigraphiques. Ces étages sont regroupés en systèmes eux-mêmes associés en ères. Les limites entre les différentes ères peuvent correspondre à des crises biologiques majeures ; ainsi, la limite entre le Secondaire et le Tertiaire correspond à la crise qui a conduit à la disparition de nombreux organismes continentaux (les dinosaures) et marins (les ammonites).