Le caractère relatif du temps
I- Une expérience troublante :
Bruno
Rossi et David B.Hall de l'Université de Chicago ont réalisé une expérience en
1941 .Ils ont mesuré le flux des muons (alors appelés
« mésotrons »)
au sommet du Mont Washington dans le New Hampshire aux Etats-Unis, à
environ 2000 m d'altitude ainsi qu'à la base de la montagne.
Les
muons sont des particules créés dans l’atmosphère à la suite de collisions de
rayons cosmiques avec les molécules de l’atmosphère. Leur vitesse moyenne est
0,999c soit très proche de la vitesse de la lumière.
La durée de vie du muon est très courte, c'est une particule
instable. Elle vit 1.5 microsecondes environ, après quoi elle se désintègre.
Cette particule se déplaçant à la
vitesse de la lumière ne devrait parcourir, selon Newton, que : 300000 x
1.5x10-6 = 0.45 km = 450 mètres durant sa courte vie.
Or ce n'est pas du tout ce que les
physiciens observent dans la réalité. La particule est tout à fait détectable
au niveau de la mer soit 2000m plus bas!
Les particules semblent avoir une durée
de vie beaucoup plus grande par rapport à un observateur terrestre lorsque
celles-ci se déplacent à grande vitesse par rapport à ce même observateur!
L’application du principe de la
relativité énoncé par Einstein en 1905 doit permettre d’élucider ce phénomène
qui semble troublant à première vue.
II- L’hypothèse d’Einstein : l’invariance de la célérité de la
lumière et la relativité du temps:
Pour illustrer cette hypothèse,
reprenons l’expérience de Galilée sur la chute d’un objet du haut du mat d’un
navire en mouvement rectiligne et uniforme. Celle-ci avait pour but d’illustrer
le principe de la relativité de Galilée pour la mécanique.
Mais cette fois imaginons
que l’objet est un « grain de lumière », un « photon »
sans masse donc et se déplaçant à la vitesse de la lumière.
Avec un
photon l’expérience est totalement irréalisable en pratique, car les durées de
parcours et les distances sont infimes. C’est une expérience dite de
« pensée »ou de « réflexion ». Le but de celle-ci est
d’introduire un raisonnement et d’apporter une conclusion selon les
hypothèses de départ. Ce type de raisonnement était souvent utilisé par
Einstein lui-même pour faire comprendre sa théorie.
Cette « expérience »
met en scène deux personnages : « monsieur MOB » qui est
le passager d’un bateau en mouvement rectiligne et uniforme de vitesse V. Il
est placé au pied du mât et regarde la photon descendre depuis le haut vers le
bas. Quant à « monsieur FIX » il se repose sur une ile et
regarde passer le bateau, il observe lui aussi le mouvement du photon.
Le bateau constitue le
référentiel « mobile » (R’), l’ile ou la terre est le référentiel
« fixe » (R). (Les
repères sont « mobile» et « fixe » par rapport à un autre
repère de référence qu’il est inutile de préciser pour notre raisonnement).
1- Description « Newtonienne » du mouvement du photon dans
les deux référentiels R et R’:
Nous
considérons ici le photon comme un objet « classique »
« tombant » du haut du mat. (sauf qu’un photon ne tombe pas car il
est sans masse !). Il n’est donc soumis a aucune force, son mouvement est
rectiligne et uniforme dans les deux repères…
Durée du parcours du
photon dans (R’) :
Pour MOB, le photon quitte
le point A à t=0 et arrive au pied du mat en B à t= t’ avec
t’=h/c
Durée du parcours du
photon dans (R ) :
Pour Fix, le photon quitte
le haut du mat à t=0 et arrive au pied du mat à t=t.
Pendant la chute, le
bateau avance d’une distance : V.t.
La distance parcourue par
le photon d est donc plus grande que précédemment :
Vitesse u du photon
dans ( R )
Pour FIX, la vitesse c se
compose vectoriellement avec la vitesse V du bateau .Son module
est :
Finalement , la durée
du parcours est:
Elevons au carré cette
expression :
Et par conséquent,
t=t’
Nous constatons l’égalité
entre t et t’, la
durée du phénomène est donc la même dans les deux référentiels. Une horloge
mesurant la durée de chute dans le bateau en mouvement donnerait le même
résultat qu’une horloge restée à Terre.
Car si la distance
augmente, la vitesse augmente dans les mêmes proportions, ce résultat
« classique » n’est donc pas très surprenant.
Conclusion selon
cette étude : la vitesse du photon est différente selon le référentiel R
ou R’ (elle est donc relative) mais la durée du phénomène est la même.
En mécanique newtonienne,
la vitesse est relative au référentiel par contre le temps a un caractère
absolu, indépendant du référentiel.
2- Description du phénomène en appliquant le principe de la
relativité restreinte (2):
(2) la relativité est
dite restreinte car elle considère des référentiels en mouvements rectiligne et
uniforme donc « galiléens »
Enoncé du
principe : la célérité de la lumière est invariablement égale à c (valeur
proche de 3.108m.s-1) par rapport à n’importe quel
référentiel galiléen.
Concrètement,
si une source de lumière est en mouvement rectiligne et uniforme de vitesse V
par rapport à un référentiel (R), la célérité de la lumière produite par cette
source est « c »par rapport au référentiel (R’) de la source en
mouvement.
Le
principe de relativité stipule que la lumière se déplace encore à la vitesse
c par rapport à (R) et non c+ V (si la source se déplace dans le même
sens que la lumière) ou c-V (si la source se déplace dans le sens contraire) comme
le suggère la loi de composition des vitesses de la mécanique de Newton. La
célérité de la lumière est indépendante de la source qui l’émet.
Reprenons les descriptions
du mouvement du photon dans les deux référentiels
Durée du parcours du photon
dans (R’) :
Pour MOB, le photon quitte
le point A à t=0 et arrive au pied du mat en B à t= t’ La durée
du mouvement est toujours :
t’=h/c
Durée du parcours du
photon dans (R) :
Pour Fix, le photon quitte
le haut du mat à t=0 et arrive au pied du mat à t=t.
Pendant la chute, le
bateau avance d’une distance : V.t.
La distance parcourue par
le photon d est toujours:
Selon
le principe de la relativité, la vitesse du photon est indépendante de la
vitesse du bateau et sa valeur est c :
Soit :
Conséquence :
Par
rapport à R, le photon parcours une distance plus grande mais à la même vitesse
c, il est logique alors de penser que la durée du mouvement est plus grande.
Supposons
que les durées t et t’aient
été mesurées par MOB et FIX chacun dans leur référentiel respectif avec une
horloge. L’horloge de FIX mesure une durée plus grande pour le même phénomène
observé, tout se passe comme si son horloge retarde par rapport à celle de MOB.
La durée
est relative au référentiel dans lequel on effectue la mesure.
III Interprétation de l’observation faite avec les muons :
La durée
de vie t’ dans le référentiel R’ du muon est appelée « durée
de vie propre ».
Pour un
observateur terrestre, celle-ci devient :
avec V=0.999c, g estproche
de 20 et donc : t=20.t’=20.1,6=32
microsecondes.
Cette
durée mesurée dans un autre référentiel que le référentiel du muon est souvent
qualifiée de « durée impropre ».
Pour un
observateur terrestre, le muon doit parcourir :
D=t.V=32.10-6.3.108=9600m
Le flux de
muons est donc parfaitement détectable au niveau de la mer.
Nous
proposons ci-après une application plus concrète présentée sous la forme
d’exercices qui doivent nous faire comprendre que les conséquences de la
relativité sont une réalité de tous les jours que nous le voulions ou
pas !
IV « Sans la relativité pas de GPS »… mais pourquoi ?
Exercice proposé par
Tristan Rondepierre de l’Académie de Lyon
1 -Compétences exigibles :
Il faut connaître :
- le postulat de la
relativité restreinte sur la vitesse de la lumière dans le vide énoncé en 1905
par Einstein et la conséquence de ce postulat sur le caractère relatif du
temps.
- les notions de
« durée propre » et de « durée impropre » entre deux
événements » suivant le référentiel de mesure
- la relation entre les
deux durées appelée « relation de dilatation des durées » ou « relation
donnant le ralentissement des horloges en mouvement »
2-Objectif du contenu
- Montrer une application
concrète faisant intervenir la relativité (restreinte et générale) : le
GPS
3-Description
sommaire du G.P.S :
Le système de positionnement GPS (Global Positioning System)
repose sur un principe que l’on peut résumer ainsi :
Des satellites en orbite circulaire gravitent
autour de la Terre à plus de vingt mille kilomètres d’altitude, à une vitesse
d’environ quatorze mille kilomètres par heure.
Chaque satellite possède une horloge atomique
embarquée et émet des signaux électromagnétiques qui contiennent des
informations sur la position et la date exacte où ils ont été émis.
Un récepteur GPS, au sol, doit recevoir au moins
quatre signaux de quatre satellites différents pour pouvoir se localiser. Alors
la comparaison de la date de réception et de la date d’émission permet au
récepteur de calculer la distance qui le sépare de chaque satellite. Grâce à un
calcul appelé « triangulation », il peut ainsi déterminer sa position
sur le sol terrestre.
4 -Répondre aux questions et effectuer les calculs nécessaires:
a-Estimer
un ordre de grandeur de la précision avec laquelle un GPS permet de se
localiser.
b-
Le mouvement du satellite n’étant pas rectiligne, on admettra que le temps
propre est défini par l’horloge embarquée à bord du satellite.
Expliquer
qualitativement comment la relativité prévoit que l’horloge atomique embarquée
à bord du GPS retarde par rapport à la même horloge restée au sol.
c-
Calculer le retard t accumulé
en une journée terrestre par l’horloge embarquée à cause de l’effet relativiste
évoqué à la question précédente.
d-Calculer
l’erreur Dd faite par le récepteur GPS s’il calcule la
distance qui le sépare du satellite sans tenir compte du retard pris par son
horloge au bout d’une journée. À votre avis, peut-on considérer Dd comme
« négligeable » ?
e-Einstein a publié, en 1915, la relativité générale.
Cette théorie, comme son nom l’indique, généralise la relativité restreinte à
toutes les situations. En particulier cette théorie montre que le champ de
pesanteur terrestre est lui aussi responsable d’un décalage entre l’horloge
embarquée et celle restée au sol. Ce décalage est contraire à celui dû à la
vitesse du satellite (calculé en (c)). On montre que le champ de pesanteur
terrestre est responsable chaque jour d’une avance de 45 µs de l’horloge
embarquée par rapport à celle restée au sol.
En
tenant compte des deux effets relativistes, calculer le décalage temporel total
T entre les deux horloges accumulé en une journée. En déduire l’erreur Ddtot
commise par le récepteur GPS s’il ne tient pas compte des effets relativistes.
Montrer que ce calcul justifie la nécessité de prendre en compte la relativité
pour concevoir un récepteur GPS.
5-Réponses
aux questions :
a-À partir de vos connaissances courantes sur le GPS, indiquer un
ordre de grandeur de la précision avec laquelle un GPS permet de se localiser.
Un GPS embarqué en voiture permet de
déterminer une position à la rue près : cela montre qu’il nous localise à
moins de 10 m près.
b- On considère que le temps propre est défini par l’horloge
embarquée à bord du satellite.
Expliquer qualitativement
comment la relativité prévoit que l’horloge atomique embarquée à bord du GPS
retarde par rapport à la même horloge restée au sol.
Considérons deux événements localisés
en un même point du satellite, séparés par une durée propre de valeur Dtp, mesurée par l’horloge embarquée. Cela
peut être par exemple l’intervalle de temps entre deux flashs lumineux
successifs émis par une même source lumineuse placée à bord du satellite.
La durée entre ces deux flashs mesurée
par une horloge liée au sol terrestre vaut :
Soit :
La durée propre Dtp
mesurée par l’horloge embarquée est donc plus faible .Celle-ci retarde
par rapport à celle restée au sol.
c-Calculer le retard t
accumulé en une journée terrestre par l’horloge embarquée à cause de l’effet
relativiste évoqué à la question précédente.
®
t est la différence entre Dtp et
Dtm,
soit :
AN :
- Dtm
est donc dans ce cas égal à la durée du jour terrestre : 24 × 3600 =
86 400 s.
- v est la vitesse du satellite par
rapport au sol :
v = 1,4 × 104 km·s-1
= = 3,9 × 103 m·s-1
D’où :
L’horloge embarquée
retarde de 7,3 µs par jour.
d-Calculer
l’erreur Dd faite par le récepteur
GPS s’il calcule la distance qui le sépare du satellite sans tenir compte du
retard pris par son horloge au bout d’une journée. À votre avis, peut-on
considérer Dd comme « négligeable » ?
®
L’erreur commise
par le récepteur s’il ne tient pas compte de la dilatation des durées est la
distance parcourue par le signal pendant 7,3 µs. Or les signaux sont de nature
électromagnétique, donc se propagent avec la même célérité que la lumière dans
le vide.
L’erreur de distance
vaut donc :
Dd = |ct| = 3,00 × 108 × 7,3 × 10-6 = 2,2
× 103 m.
L’erreur commise si
on ne tient pas compte des effets relativistes est donc de plus de 2 km !
Or comme nous l’avons indiqué en (b), la précision du GPS est de quelques
mètres : on ne peut donc en aucun cas négliger Dd.
e-En tenant compte des deux effets relativistes, calculer le
décalage temporel total T entre les deux horloges
accumulé en une journée. En déduire l’erreur Ddtot commise par le récepteur GPS s’il ne tient pas
compte des effets relativistes. Montrer que ce calcul justifie la nécessité de
prendre en compte la relativité pour concevoir un récepteur GPS.
®
Le décalage
temporel entre les deux horloges, vaut, au total :
T = 45 – 7,3 = 38 µs
L’erreur totale commise sur un calcul
de distance vaut donc :
Ddtot
= |cT| = 3,00 × 108 × 38 × 10‒6
= 1,1 × 104 m = 11 km
11 km
est une erreur colossale, vu la précision attendue d’un GPS (à peine quelques
mètres, comme nous l’avons indiqué en (a)). Ceci confirme que les corrections
relativistes sont indispensables à la réalisation du système GPS.
En résumé, pour se positionner, le
récepteur GPS évalue en même temps les distances par rapport à lui de
plusieurs satellites émetteurs. Ces distances sont calculées à partir des
durées de propagation des signaux provenant des satellites. La moindre
incertitude dt de mesure du temps de propagation de
ces signaux entrainerait une incertitude c.dt
beaucoup trop grande sur la localisation du récepteur (car c=3.108m/s !)
Les durées mesurées doivent donc être d’une précision phénoménale que seules
les horloges atomiques peuvent donner. Le système GPS a pu voir le jour après
la mise au point de ces dernières technologies embarquées dans les satellites.
D’autre part, comme nous l’avons vu, une correction de la durée est nécessaire
pour tenir compte des effets relativistes dus à la vitesse du satellite et à la
variation du champ de gravitation. C’est pour cela qu’une horloge atomique
terrestre effectue en permanence la synchronisation des horloges des
satellites. La connaissance de la relativité permet d’effectuer cette
correction.
V Le « Red
shift » et l’ expansion de l'univers
En
observant des objets astronomiques lointains (galaxies ...), on recueille les
spectres électromagnétiques de ces sources de lumière. L'absorption ou
l'émission spectrale est souvent bien connue : on reconnaît facilement les
spectres des éléments chimiques tels que :hydrogène, hélium, sodium ...
qu'on a préalablement observés en laboratoire.
Si
on remarque que les raies (d'absorption ou d'émission) sont décalées par
rapport à leurs emplacements attendus, on peut en déduire que la source se
déplace. Si le décalage observé est vers le bleu, la source se rapproche.
Pour
la plupart des galaxies, on observe un décalage vers le rouge : le
Red shift.(voir figure ci-dessus)
On
interprète alors ce résultat par le fait que les galaxie s'éloignent les unes
des autres. Par conséquent, on suppose que l'univers est en expansion.
Imaginons
les galaxies comme des points sur un ballon gonflable. En le gonflant, les
points s'éloignent. L'univers est donc en expansion.
La mesure du décalage vers
le rouge permet d’en déduire la vitesse d’éloignement de l’étoile.
La lumière provenant d’une
source qui s’éloigne de la terre a une longueur d’onde mesurée l dans
le référentiel terrestre .Elle s’exprime en fonction de la longueur d’onde
propre l ' (dans le référentiel de la source) et la vitesse
d’éloignement v par la relation :
Cette relation découle aussi du principe de la
relativité énoncé plus haut.