Parentés entre êtres vivants actuels et fossiles

PARENTES ENTRE ETRES VIVANTS ACTUELS ET FOSSILES

PHYLOGENESE ET EVOLUTION

(suite)

4 Le caractère buissonnant de la lignée humaine

Une seule espèce d'homme vit actuellement à la surface du globe: Homo sapiens. Apparue il y a plus de 100 000 ans, elle a été précédée par plusieurs types d'Homininés.

4.1 LES AUSTRALOPITHEQUES, PREMIERS REPRESENTANTS DE LA LIGNEE HUMAINE

4.1.1 Découvertes liées aux Australopithèques:

Lucy (1974): Yves COPPENS, Donald JOHANSON et Maurice TAIEB découvrent en Ethiopie (Afar) les restes de 52 fragments osseux d'un Homininé probablement femelle, daté de 3 MA appelé Lucy .

Le groupe des Australopithèques , représenté par de nombreuses espèces, a vécu en Afrique orientale et australe entre -5 et -2 MA.

De petite taille (1,1 à 1,4 m), leur volume encéphalique était compris entre 400 et 500 cm3 . Il furent les premiers à être bipèdes.

Carte de l'Afrique Empreintes

Les empreintes de Laetoli (1979): En Tanzanie, les traces de trois homininés ont été fossilisées dans la cendre volcanique solidifiée. Elles sont datées de -3,7 MA.

4.1.2 L'acquisition de la bipédie:

L'homme est seul capable, avec le pingouin, de marcher sur ses deux membres inférieurs, le buste parfaitement redressé.

Chez les autres bipèdes comme les oiseaux ou les kangourous, le buste est incliné vers l'avant, la queue jouant un rôle important dans l'équilibre du corps.

Lorsqu'on parle de bipédie, il convient de distinguer la position relative du buste et des membres inférieurs, mais aussi ce qui a rapport à la station verticale (statique) et ce qui procède de la marche et de la course (dynamique).

Le squelette de Lucy présentant un sacrum et un des deux os iliaques, il a été possible de reconstituer son bassin pour le comparer à celui du Chimpanzé et de l'Homme.

 

Identifiez les signes qui caractérisent l'Australopithèque vis-à-vis de la bipédie.

Une étude précise des articulations (hanche, genou,...) a montré que la démarche de Lucy devait être "chaloupée", comme la qualifie Yves COPPENS: elle "roulait des hanches" et avait manifestement des formes héritées et des formes "à venir".

"... Le schéma classique de l'hominisation fait apparaître la bipédie au terme d'une succession d'espèces selon la séquence lémurien - singe - grand singe - homme. Celle-ci se met en place grâce au redressement progressif du corps. Ce scénario se passe à terre, alors qu'en fait les singes et les grands singes vivent dans les arbres. La verticalité et la bipédie sont monnaie courante dans les arbres. Par contre, c'est une autre affaire une fois au sol. Cette remarque pose la question des origines de la bipédie: adaptation acquise pour se redresser dans la savane ou aptitude héritée d'un répertoire arboricole qui inclut de la bipédie ?..."

Pour en savoir plus...     La bipédie humaine - Origine et évolution - Pascal PICQ, Collège de France
                                       Les caractéristiques physiques de la bipédie et de la position verticale

Jean CHALINE nous explique comment des gènes du développement sont sans doute à l'origine de l'acquisition de la bipédie:

"... On peut imaginer logiquement la façon dont a pu se passer cette mutation majeure de l'acquisition de la bipédie qui a abouti à l'hominisation. Un individu de la population des pré-australopithèques a dû subir une ou plusieurs mutations de gènes de régulation...

Que ce premier australopithèque soit mâle ou femelle, cette nouveauté a dû lui donner un avantage immédiat sur ses congénères par sa position dominante en taille. Connaissant les moeurs des dominants (qui sont les seuls reproducteurs du groupe), cette nouveauté, qui a dû apparaître à l'état de simple mutation chez le premier australopithèque, a pu devenir un état fixe en une ou deux générations."

4.1.3 Les australopithèques, une mosaïque d'Homininés:

L'innovation de la bipédie, qui fait actuellement partie d'un répertoire locomoteur chez de nombreux singes, mais dont l'homme a fait une exclusivité et une spécialité, est-elle l'apanage d'un groupe précis d'Homininés fossiles qui serait à l'origine de la lignée humaine ou s'agit-il au contraire d'une innovation partagée par plusieurs espèces d'Homininés ayant vécu au même moment?

Jusqu'en 1995 les découvertes de restes d'australopithèques avaient été réalisées en Afrique orientale et australe . Cet état de fait était favorisé par le caractère particulier du rift est-africain qui, par suite d'un basculement tectonique de la région, a pu révéler des couches fossilifères en surface et livrer des fossiles en grand nombre.

De nombreuses espèces d'australopithèques et paranthropes ("presque hommes") ont jalonné l'histoire de cette partie de l'Afrique et certaines ont pu cohabiter.

Dès 3,5 MA on dispose donc de nombreux fossiles indiquant une grande diversification des espèces. On peut parler de radiation évolutive .

Yves COPPENS rappelle que "... l'évolution a été buissonnante. Je dis souvent qu'elle s'est produite par bouquets. Face à ce foisonnement de préhumains , peut-être faut-il renoncer à chercher à toute force "le" grand ancêtre commun et s'attacher simplement à mieux comprendre leur écologie."

 

Pour illustrer ce "foisonnement de préhumains"

 

En vous appuyant sur ce que vous venez d'apprendre dans ce §4.1.3, dites en quoi deux des découvertes les plus récentes - à savoir en 1995, Abel ou Australopithecus barhelghazali et en 2000, Orrorin tugenensis - présentent un intérêt particulier dans la connaissance des origines de l'Homme.

4.2 L'EMERGENCE DU GENRE HOMO

Les plus anciens représentants du genre Homo semblent apparaître en Afrique vers -2,5 MA: Homo rudolfensis (-2.4 à -1.9 MA) et Homo habilis (-1.9 à -1.6 MA). Des changements climatiques importants ont eu lieu : le recul des forêts faisant suite à une sécheresse en Afrique est une conséquence de la formation de la calotte glaciaire arctique. 

Homo habilis se distingue des Australopithèques par une plus forte capacité crânienne (supérieure à 600 cm3) et l'utilisation systématique d'outils en pierre (galets aménagés) qu'il taille de façon rudimentaire: ceux-ci permettent de briser les os et les éclats de couper les chairs.

Alors que les Australopithèques étaient essentiellement végétariens, les premiers hommes ont un régime omnivore.

Ils sont bipèdes, mais encore en partie arboricoles et vivent en Afrique de l'Est.

La cohabitation de plusieurs formes d'Homininés (H. habilis, H. rudolfensis et Paranthropes) montre que les premiers hommes n'ont pas été représentés par un seul type.

 

 

Quels sont les critères qui permettent de distinguer les représentants du genre Homo des Australopithèques?

4.3 HOMO ERECTUS, PREMIER BIPEDE PERMANENT

Homo ergaster (-1,8 à -1,5 MA) est probablement le premier représentant du genre Homo bipède en permanence; c'est le premier à "sortir" d'Afrique. Il semble qu'il y ait eu plusieurs branches à ce moment en fonction des mouvements d'expansion vers l'Asie, l'Europe, ou même lors de "retours" en Afrique.

On donne le nom d'Homo erectus (-1,2 à -0,4 MA) au type humain caractéristique d'un coureur et à face humaine.

Sa capacité crânienne est plus importante (800 cm3) et il développe l'industrie des bifaces. La maîtrise du feu apparaît il y a environ 500 000 ans.

Quelle est la caractéristique majeure qui différencie Homo erectus de Homo habilis?

4.4 LES ORIGINES DE L'HOMME MODERNE: NEANDERTHAL ET CRO-MAGNON

Entre -0,5 et -0,4 MA une glaciation d'ampleur exceptionnelle isole l'Europe de l'Ouest: les populations archaïques d'Homo erectus ne peuvent plus échanger de gènes avec les autres populations - celles du Moyen-Orient notamment - car les flux migratoires sont interrompus.

Les caractères dérivés qui apparaissent par mutation se font plus fréquents que les caractères primitifs au sein des populations isolées (dérive génétique).

Cette évolution conduit à des formes nouvelles et c'est vers -125 000 ans que se fixe un nouveau type: le type néanderthalien.

L'Homo neanderthalensis (Homme de Neanderthal) a vécu de -110 000 à -30 000 ans. Son corps trapu présente des adaptations au froid (morphologie retrouvée chez les peuples de l'Arctique).

Sa taille varie de 1,50m à 1,70m. Doté d'une capacité crânienne de 1 200 à 1 700 cm3, il possède un outillage très diversifié et c'est probablement lui qui "invente" les rites funéraires.

D'autres populations d'Homo ergaster venant d'Afrique et du Proche Orient sont à l'origine des Hommes de Cro-Magnon (Homo sapiens) .

Vers -40 000 ans, Homo neanderthalensis entre donc en compétition avec Homo sapiens qui vient s'installer en Europe et qui constitue le premier représentant de notre espèce. Les territoires occupés par les néanderthaliens régressent et ceux-ci disparaissent vers -30 000 ans.

La morphologie longiligne de Cro-Magnon traduit des origines très probablement africaines. Doté d'une taille de 1,70 m environ, sa capacité crânienne est de 1 100 à 2 000 cm3 . Il se distingue par la pratique des rites funéraires, de l'art et la confection d'outils d'une extrême diversité qui s'affinent avec le temps.

Quels sont les traits qui rapprochent Homo neanderthalensis et Homo sapiens? Lesquels les séparent?

Un arbre généalogique provisoire des homininés peut ainsi à présent être établi ------>

4.5 EVOLUTION DU CRANE ET DE LA FACE CHEZ LES HOMININES

De nombreux protocoles de TP peuvent être envisagés pour illustrer les critères d'appartenance à la lignée humaine: on se reportera, pour ce faire notamment à la banque de sujets d'évaluation des capacités expérimentales éditée par l'Inspection Générale au cours de l'année 2002-2003:

1 - Les critères d'appartenance à la lignée humaine (1) [EvI2p02.doc]

2 - Les critères d'appartenance à la lignée humaine (2) [EvI2p01.doc]

3 - Les critères d'appartenance à la lignée humaine (3) [EvI2p03.doc]

En ce qui concerne l'évolution de la face et du neurocrâne au cours des 4 derniers millions d'années, les mesures réalisées permettent de tirer les conclusions suivantes:

        Enroulement du neurocrâne dans le sens antéro-postérieur qui fait basculer le trou occipital d'un plan postérieur vers un plan antérieur, ce phénomène étant lié à la station verticale,

        Augmentation de la hauteur crânienne (et donc de la capacité crânienne),

        Verticalisation du front,

        Régression du museau,

        Réduction de la face,

        Apparition du menton,

        Gracilisation progressive des reliefs osseux avec disparition des "superstructures" (bourrelets sus-orbitaires, reliefs nucaux, apophyses zygomatiques).

4.6 DEVELOPPEMENT DE L'ENCEPHALE, CRITERE MAJEUR DE L'HOMINISATION:

L'homme moderne se distingue de ses prédécesseurs par l'acquisition d'une pensée abstraite et par un cerveau plus volumineux et plus complexe. Nous pouvons nous interroger pour savoir à quel moment cette augmentation du volume cérébral a eu lieu et quelles modifications le cerveau a subies.

Les circonvolutions cérébrales et les vaisseaux sanguins laissent leur empreintes sur la paroi interne du crâne. Des moulages endocrâniens peuvent ainsi fournir des indications non seulement sur le volume du cerveau, mais aussi sur son organisation.

Dégagez les informations importantes concernant l'évolution des capacités crâniennes et de l'organisation du cerveau.

4.7 EVOLUTION BIOLOGIQUE ET EVOLUTION TECHNOLOGIQUE

On divise "l'âge de pierre" en plusieurs périodes:

        le paléolithique inférieur (- 2 500 000 à - 120 000 ans environ)

        le paléolithique moyen (- 120 000 à - 35 000 ans env.)

        le paléolithique supérieur (- 35 000 à - 10 000 ans env.)

        le néolithique (- 10 000 à - 4 000 ans env.) ou âge de la pierre polie

La période récente correspond à l'âge des métaux.

Parallèlement à l'évolution biologique (acquisition de la bipédie, développement de l'encéphale), l'hominisation se caractérise par la création et l'utilisation d'outils. Quelles sont les étapes de cette évolution technologique? Est-elle parallèle à l'évolution biologique?

La technologie Vitesse d'évolution

« L'outil se taille pour un propos déterminé: il est porteur de projet. Il présente donc à la fois la conscience et la connaissance. Et comme il est essayé, retenu ou non, et s'il est retenu, reproduit, il est enseigné... L'expérience est chaque fois retenue, et la technologie va bénéficier chaque fois, grâce à l'enseignement, de la totalité des connaissances engrangées.
L'homme fossile et sa technologie
n 'évoluent pas à la même vitesse. Quand l'homme, son corps et son esprit, se transforme, sa technologie se transforme aussi, mais beaucoup plus lentement. Elle marque le pas avant d'innover. Les progrès dans la taille du « caillou », et l'enrichissement de la « trousse à outils » sont en retard sur le développement de l'encéphale et l'accroissement de son irrigation. Homo habilis aménage des galets, les premiers Homo erectus aussi; puis Homo erectus invente le biface que fabriqueront, dans sa tradition, les premiers Homo sapiens... » D'après Yves Coppens.

A partir des documents qui précèdent, montrez que évolution biologique et évolution technologique peuvent s'effectuer à des vitesses différentes.

4.8 L'ORIGINE DES HOMMES MODERNES

Nous savons qu'au sein d'une population, un gène peut exister sous différentes versions allélliques: par exemple 3 allèles du gène gouvernant les groupes sanguins du système ABO sont connus, qui ont une fréquence différente selon les populations humaines .

Des études comparables ont été faites sur la répartition d'autres gènes et notamment ceux qui gouvernent des caractères phénotypiques comme la couleur de la peau .

Quelle information importante peut-on tirer des renseignements fournis par ce type d'études et notamment la distribution des allèles d'un gène au sein des populations est-elle en accord avec la notion de races communément désignées sur des critères morphologiques?

La comparaison des répartitions alléliques permet de définir une distance génétique entre populations, qui ont conduit à reconstituer les étapes de la colonisation du globe par l'homme moderne. Deux modèles s'affrontent pour expliquer son émergence.

 

Le premier modèle, dit "du remplacement" ( "out of Africa" ) admet une origine africaine: à partir de ce berceau de l'humanité, l'homme moderne aurait essaimé dans le reste du monde et y aurait remplacé les populations archaïques.

Les arguments en faveur de ce modèle sont basés sur la comparaison des séquences d'ADN mitochondrial représentant quelques dizaines de gènes dans les mitochondries, qui existe dans l'ovocyte et qui est transmis par les femmes uniquement (en effet, du spermatozoïde, seul le noyau pénètre dans l'ovocyte).

La population africaine est celle qui offre la plus grande diversité génétique de cet ADN. En admettant que la fréquence des mutations est constante, c'est cette population qui occupe le berceau d'où est issu l'homme moderne. Les généticiens parlent ainsi d'une "Eve mitochondriale" qui aurait vécu il y a 100 000 à 200 000 ans.

Le second modèle, dit "de l'origine multirégionale " prétend que les différentes populations d'hommes modernes proviennent de lignées différentes ("proto-Cro-Magnon") qui auraient évolué chacune dans leur région à partir de populations d'Homo erectus par dérive génétique .

Les arguments en faveur de ce modèle reposent sur l'analyse des fossiles qui montrent une continuité de certains traits anatomiques depuis les hommes archaïques jusqu'aux hommes modernes en Europe et en Asie.

 


Modifié le: Wednesday 5 September 2018, 10:35